Corps à coeurs

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Ma mère était une femme élégante, intelligente, généreuse. Elle était d'une beauté exceptionnelle. Un jour, un homme m'a avoué, que chaque matin il  prenait son café dans un bar avec des amis, et qu'ils se plaçaient de façon  à ne pas rater son passage lorsqu'elle se rendait à son travail de sa démarche souple. Il m'a dit ça avec l'oeil brillant et beaucoup de tendresse.

Elle sentait bon en plus ! Un parfum capiteux, hors de prix. Nous savions à quel point elle se trouvait plus désirable avec. Nous mettions nos économies en commun pour le lui offrir chaque année à Noel. A chaque fois c'était un rituel. Elle dévissait le beau bouchon, la pièce s'emplissait de l'odeur entêtante, elle en mettait une goutte sur le bout de son doigt et allait caresser les lobes fins de ses oreilles.

Mes parents s'aimaient totalement, passionnément. Chaque regard, chaque geste était  la preuve  de cet amour profond.

Un jour, ma mère est devenue triste. Elle s'est emmurée dans un monde fortement alcoolisé sans jamais rien nous expliquer. Secret indéchiffrable. J'étais très jeune et ne comprenais pas. J'en ai gardé pendant des années une immense colère. J'avais besoin d'elle, et elle, âme flottante, elle ne me voyait plus.

J'ai compris bien des années plus tard. Un mauvais jour, une confidence d'une personne qui  lui voulait du bien..... "Tu sais...au détour d'une envie...ton mari..."

La déchirure a été immédiate, invisible, silencieuse et définitive .

Je pense à cette citation : "allons-nous cueillir en passant la fleur d'un jour pour gâcher à jamais l'amour de toute une vie ?" Lorsque je regarde mon père consacrer son temps depuis tant d'années pour stopper  ce chagrin , je connais sa réponse...

Ven 14 mar 2008 10 commentaires
Oui la réponse est évidente.
nico - le 15/03/2008 à 14h09
Voilà plusieurs jours que je passe et repasse devant ce texte poignant. Aujourd'hui je m'y arrête. Il est tellement facile de détruire alors qu'une construction prend des années...
Claire - le 17/03/2008 à 11h47
Merci à vous . C'est un texte très personnel. Claire, j'ai juste essayé de comprendre pourquoi j'avais refusé d'aimer pendant tant d'année... Ma mère n'était pas "armée" pour supporter ça mais ça reste une très belle histoire d'amour.
Juliette - le 17/03/2008 à 12h55
Il faut beaucoup de courage pour oser aimer sans avoir eu l'amour de sa mère...Moi j'y arrive pas.
Lilian - le 18/03/2008 à 08h20
Ce texte est magnifique. Je comprends mieux l'émotion qui se dégage de ce blog que je viens lire régulièrement. Faire souffrir des gens qui nous aiment c'est pas super mais si en plus on les aime c'est plutôt très con.
Martine - le 18/03/2008 à 11h38
Pudique , c'est peu dire! je connais la violence du quotidien dans une famille minée par l'alcool .
Peu importe - le 22/03/2008 à 22h18
Belle plume .
Alex - le 13/08/2008 à 22h30